Ce workshop se développe au sein de la collaboration entre la plateforme de recherche “Pratiques d’Hospitalité” et deux projets de recherche menés respectivement avec les artistes Daniela Ortiz en lien avec la Kadist Art Foundation (Paris) et Gaëlle Choisne en lien avec le Mac/Val (Vitry-sur-Seine). Cette collaboration vise à réfléchir sur les phénomènes contemporains de l’extractivisme et de l’appropriationnisme qui trahissent l’existence d’un continuum néocoloniale liant de manière asymétrique des sujets “colonisateurs” et des “sujets colonisés” au sens large. Afin de questionner le projet impérialiste européen comme une opération de “colonisation du savoir”, les notions d’extraction et d’appropriation seront abordées aussi bien d’un point de vue matérielle (le que cognitif (l’exploitation de ressources intellectuelles issues d’une culture minoritaire par des représentants de la culture dominante).
La nécessité de “décoloniser” les méthodologies de recherche sera notamment envisagée par le biais des démarches de Daniela Ortiz et Gaëlle Choisne: à partir d’une réévaluation de la classification des plantes héritée de la botanique coloniale, les artistes proposent de penser la hiérarchisation du monde végétal et de son usage humain comme un indicateur des rapports de force politique entre ce que l’on nomme habituellement comme un Nord colonisateur et un Sud indigène colonisé. Pour sortir des limites de l’approche multiculturaliste, pouvant nier au nom de la liberté d’expression, l’oppression générée par l’appropriation et l’emprunt à des cultures indigènes et opprimées, l’enjeu sera de réfléchir aux modalités d’un échange culturel plus symétrique et à une “nouvelle écologie des connaissances” comme l’a proposé Boaventura De Sousa Santos.
Gaëlle Choisne, artiste française d’origine haïtienne, se saisit des enjeux contemporains de la catastrophe écologique, de l’exploitation des ressources et des vestiges du colonialisme dans des installations, des projets vidéos et sculpturaux. Dans le cadre du projet « Persona Non Grata », organisé par le Mac/Val et le Musée national de l’histoire de l’immigration (MNHI), elle déploie une recherche sur les traces et survivances thématisant les liens coloniaux entre la France et Haïti et sur le déficit dont souffre cette histoire en terme de représentation. À partir d’une recherche menée dans les archives de la MNHI, elle proposera, lors du workshop à l’ESAD du 18 au 21 décembre 2018, une réflexion collective sur cette histoire oubliée et son invisibilisation pour amener les étudiant·e·s impliqué·e·s à en proposer une activation et en faire la matière vivante d’un travail plastique, d’appropriation matériologique subjective et subjectivée. Ce travail collectif donnera lieu à une restitution publique au Mac/Val à Vitry-sur-Seine en janvier 2019.