Projet de résidence de recherche et de production réalisé avec le soutien de l’Italian Council, aide à la production et à la diffusion de l’art contemporain italien conçue par la Direzione Generale Arte e Architettura Contemporanee e Periferie Urbane du MiBACT et en partenariat avec le Museion – Musée d’Art Moderne et Contemporain de Bolzano (IT)
L’Arlequin & La Villeneuve est le projet que l’artiste Nicolò Degiorgis a réalisé au cours d’une résidence de recherche et de production menée depuis octobre 2017 à l’ ÉSAD •Grenoble •Valence sur une invitation de la plateforme de recherche Pratiques d’hospitalité, en partenariat avec le Museion Bozen-Bolzano – Museum of Modern and Contemporary Art de Bolzano (IT) et avec le soutien de l’Italian Council, aide à la production et à la diffusion de l’art contemporain italien conçue par la Direzione Generale Arte e Architettura Contemporanee e Periferie Urbane du MiBACT.
Comme le montrent les séries Hidden Islam (2009-2014) et Le Tunnel (2017), le travail photographique de Degiorgis cherche à documenter les minorités sociales et politiques dans les sphères publiques et domestiques qu’elles déploient dans les contextes de ségrégation urbaine au sein de l’espace européen contemporain. La visibilisation que produisent ses images photographiques – souvent produites de manière collaborative – permet de réinjecter dans l’imaginaire collectif ce qui en avait été expulsé de manière préjudiciable.
Dans le cadre de la résidence à Grenoble, Nicolò Degiorgis s’est intéressé à la complexité architecturale, sociale et politique de L’Arlequin et de La Villeneuve. Construits par l’Atelier d’Urbanisme et Architecture (AUA) entre 1970 et 1983 dans une zone périurbaine au sud de Grenoble, ces deux quartiers apparaissent à l’époque de leur construction comme une utopie architecturale fondée sur les mythes et les rhétoriques de l’innovation et de la mixité sociale, exaltant la vie en communauté via l’expérimentation de formes de citoyenneté active comme en témoigne l’expérience de la télévision de quartier Vidéogazette (1972 – 1976). Transformés par la suite en zone de logement des minorités ethniques, religieuses et sociales, ces espaces ont été stigmatisés comme “quartiers sensibles” par les médias et les discours politiques au début des années 2000 dans le contexte des émeutes des banlieues. Parallèlement, et peut-être à cause de cette valorisation négative, ces espaces ont constitué un champ d’investigation en sociologie et dans les études sur l’urbanisme et l’architecture particulièrement intensif provoquant une lassitude des habitants par rapport à la figure du chercheur “intrusif”.
Face à ce contexte, Nicolò Degiorgis questionne de manière critique la capacité des média artistiques et documentaires à formuler un diagnostic des complexités sociales et leur présomption à se constituer en espace de dénonciation. Afin d’éviter le phénomène d’hyper-visibilisation et de caricature du contexte des banlieues que les médias et le cinéma ont pu générer, il a choisi de ne photographier que les espaces architecturaux et leur environnement naturel. En présentant ces architectures impressionnantes dans la lumière du soir où la présence humaine est “dormante” et retranchée dans les espaces domestiques, ses images proposent une inversion des narrations misérabilistes et paternalistes et imaginent d’autres modalités de récit de l’expérience de ces zones périurbaines. Elles participent à l’élaboration d’une position éthique et responsable de la part de l’artiste vis-à-vis de la nécessité urgente d’une hospitalité concrète qui renonce à la représentation et la vampirisation.
Le projet photographique L’Arlequin & La Villeneuve privilégie ainsi le sentiment de désorientation que produit la complexité labyrinthique de l’organisation architecturale de ces deux quartiers et leur échelle parfois “inhumaine”. La numérotation et la disposition des bâtiments suivent en effet leur propre logique interne et semblent protéger le parc du quartier, situé au cœur même de ce conglomérat, rendant l’accès au visiteur “intéressé” et au flâneur de l’art moins évident.
La recherche photographique menée par Nicolò Degiorgis à Grenoble a donné également lieu en 2018 à la parution d’un ouvrage chez Rorhof et à une présentation monographique au LE CAP – Centre d’arts plastiques de Saint-Fons sur une invitation de Nicolas Audureau