Lauréat de l’appel à projets de la Maison de la Création, la résidence de M. Iorio & R. Cuomo est une collaboration entre l’équipe de recherche Litt&Arts (Université Grenoble Alpes) et la plateforme de recherche « Pratiques d’hospitalité » initiée par Katia Schneller et Simone Frangi à l’ESAD de Grenoble.
Le projet élaboré par M. Iorio & R. Cuomo met en lumière un épisode de l’histoire du cinéma à Grenoble. En 1973, lors du Festival de Grenoble créé par Michel Warren (une préfiguration du Festival du court-métrage en plein air), la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique décerne le Prix de la Critique Internationale au court-métrage intitulé Cheval de boue (1971), de la cinéaste égyptienne Atiat El Abnoudi. Le film avait aussi été primé en 1971 à Kélibia (Tunisie), dans le cadre du festival consacré au cinéma amateur national et international créé en 1964. En 1974, El Abnoudi réalise également le documentaire Deux Festivals à Grenoble sur les coulisses du festival.
Le projet prend comme point de départ les ambitions de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs (FTCA) après sa « Ré-forme » initiée en 1971. Se présentant comme un large mouvement culturel, ce cinéma amateur prend alors en charge les conflits de classe, de race et de genre qui déchirent l’Afrique du Nord de l’époque. Critique à l’égard du modèle du cinéma dominant, il prône également l’établissement d’un réseau parallèle de production et de distribution des films. Pour M. Iorio & R. Cuomo, ces expérimentations et interventions filmiques constituent une forme de « cinéma mineur ». Comme l’explique David E. James, cette expression rassemble sous sa bannière aussi bien les démarches expérimentales, poétiques, alternatives, ethniques, amateures, que contre-culturelles, non-commerciales, critiques, ou encore orphelines. Cette qualification permet ainsi de mettre en perspective les rapports antagonistes que ces pratiques ont entretenu avec les modèles hégémoniques du cinéma commercial international, du cinéma d’auteur cosmopolite et du cinéma national financé par l’état – en Tunisie, par exemple, le régime étend alors son monopole sur le secteur audio-visuel à des fins oligarchiques.
M. Iorio et R. Cuomo organiseront un workshop avec l’équipe de travail et le groupe d’étudiants impliqués, qui portera sur le contexte dans lequel a émergé ce cinéma mineur et la manière dont celui-ci a reconfiguré cette culture. Il s’agira de se pencher sur la constitution de ce réseau de ciné-clubs, festivals et clubs amateurs et sur le nouvel espace politique et d’expérimentation esthétique qu’il a formé.
Suivi des entretiens avec les acteurs de cette période et de la recherche dans les archives de la Cinémathèque de Grenoble. Les éléments et documents trouvés seront croisés avec les recherches déjà développées par M. Iorio et R. Cuomo au sein de Cimathèque – Alternative Film Center du Caire, la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs (FTCA) et la Fédération tunisienne des ciné-clubs (FTCC) de Tunis.
À l’issue de la phase de recherche, un programme de projections sera conçu par les artistes, l’équipe de travail et les étudiants. Son enjeu sera de présenter une histoire polyvocale et transnationale des cinémas mineurs. Il rassemblera pour ce faire des films produits en Tunisie et en Egypte aujourd’hui disséminés et négligés par la recherche, et une sélection de films occidentaux qui ont incarné ou/et thématisé les pratiques du film amateur en Europe.