Modération : Céline Poulin, directrice du CAC Brétigny.
Avec : Núria Güell, artiste, Marie Preston, artiste, maître de conférences à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Katia Schneller et Simone Frangi, coordinateurs de la plateforme de recherche « Pratiques d’hospitalité » à l’École Supérieure d’Art et Design, Grenoble, Valence.
Aujourd’hui et selon le critique Mikkel Bolt Rasmussen, certaines pratiques socialement engagées ont pris le relais de la critique institutionnelle, à cette exception près que la remise en cause des institutions dépasse le cadre artistique et la logique moderniste, pour s’adresser à la société civile dans son ensemble. Les pratiques collaboratives dont il est question ici, marquées par l’instabilité et par une dynamique de conflit ou du moins de frottement, échappent à l’institution (culturelles ou non), la mettent en crise…ou pas. »
Cette table ronde se tient dans le cadre de la 8e édition du festival du Mac/Val dédié au thème de la vulnérabilité comme force créatrice et nous invite à prêter attention à la fragilité.« Attention fragile » s’inscrit au cœur d’une programmation artistique tournée vers les notions d’hospitalité avec les expositions « Persona grata » au MAC VAL et au Musée national de l’histoire de l’immigration, et « Open Ended Now » de Melanie Manchot dont l’œuvre est traversée par la relation qu’entretient le corps (social) à l’espace (public).
Que faire de notre vulnérabilité ? Cette interrogation traverse l’ouvrage de Guillaume le Blanc, philosophe associé aux expositions « Persona Grata » aux côtés de Fabienne Brugère. Il pose d’emblée la vulnérabilité comme condition fondamentale de l’existence humaine. La vulnérabilité n’est pas le seul attribut des fragiles et des exclus, qui pensés ainsi se voient refuser l’autonomie, deviennent inaudibles et invisibles.
Au sein de la communauté muséale et éducative s’ouvrent alors des pistes de réflexion, des pratiques de médiation et de co-création qui acceptent leur propre fragilité, et déjouent les catégorisations entre publics sensibles,
éloignés, comme la bienveillance réparatrice du médiateur (entendu au sens large) : autant de situations qui empêchent la réciprocité, l’hospitalité, l’altérité, la reconnaissance de l’autre.
Ces journées proposent une approche esthétique, philosophique, politique de la vulnérabilité au sens d’une interrogation sur le bien commun. Souvent rattachée aux pratiques du soin, confondue avec la fragilité et ramenée sur le champ politique par la notion de précarité, la vulnérabilité est relative à ce qui peut être blessé, au vivant. Nous proposons de la considérer comme un outil pour penser différemment les schémas dominants et normatifs. Nous traverserons pour cela des espaces et des territoires dits vulnérables ou utopiques, solliciterons des corps dits empêchés, handicapés, hors normes, limités et exposés au manque, des minorités, des invisibles, des inaudibles dits précaires. C’est l’ensemble de nos pratiques patrimoniales et muséales qui sera enfin regardé, amenant la possibilité d’une vulnérabilité institutionnelle. Sommes-nous prêts à prendre le risque de la reconnaître ? L’accueil de l’autre, les pratiques d’hospitalité, font rentrer l’institution et ses représentants dans un cadre de référence différent de celui qui leur est familier. Peut-on ménager au sein du musée des espaces de non- contrôle pour faire émerger des sens nouveaux, des bifurcations, une « force vulnérable » créatrice (Amador Fernandez Savater) ?